La ville de Guéckédou avant les attaques rebelles de décembre 2000.
L’an 2020 marquera le 20ème anniversaire des attaques rebelles contre la ville de Guéckédou. Cette tragédie a eu lieu la nuit du 5 au 6 décembre 2000.
Avant cette date, la ville de Guéckédou était une ville où il faisait bon vivre. Un havre de paix et d’harmonie. La ville était très peuplée de plus de 400.000 âmes avec plus de 100 000 réfugiés libériens et sierra léonais, mais aussi des expatriés venus pour travailler au sein des institutions internationales d’aide aux réfugiés et aux personnes déplacées pour l’attenuation des effets néfastes de la présence massive des réfugiés dans ce petit espace. Guéckédou était alors une ville festive, une ville commerçante avec son grand marché du mercredi. Il y avait et il y a toujours le marché tous les autres jours. Mais la journée de mercredi était le jour du grand marché pour toute la sous-région.
En effet, grace à sa position géographique (proche de la Sierra Léone et du Liberia), la demande était très forte en termes de biens de première consommation courante : habillements, meubles, matériaux de construction, matériel roulant, produits pharmaceutiques, produits alimentaires etc. et au fur et à mesure, l’offre s’est adaptée faisant du grand marché de Guéckédou un marché sous-régional où on pouvait trouver presque tout. Des conteneurs venaient directement de la Chine, de Dubaï et autres lieux pour approvisionner le grande marché de Guéckédou.
Le peuple Kissi est un peuple grand travailleur sur le plan agricole, faisant ainsi de Guéckédou (et ce jusqu’aujourd’hui) une préfecture de grande production agricole. Cette situation qui constitue une aubaine pour la sous-région (en plus de sa position géographique) a fait de Guéckédou une ville d’approvisionnement pour les autres villes. Ainsi, plusieurs grandes villes du Liberia et de la Sierra Léone étant très éloignées de leurs capitales respectives, s’approvisionnaient directement à Guéckédou pour alimenter leurs marchés. Ainsi, un jour par semaine, le jour de mercredi, la population de la ville de Guéckédou dépassait largement le demi million. Guéckédou étant une zone très agricole, des gros camions remorques venaient de plusieurs villes de la Guinée pour acheter des produits agricoles : riz, banane, orange, tubercules, légumes etc.
La ville de Guéckédou était également reconnue pour la qualité de son huile de palme. Le procédé de fabrication de l’huile de palme en pays Kissi est très différents de celui des autres groupes ethniques de la région forestière de la Guinée.
Ce grand engouement économique à eu des repercussions directes sur le plan social et culturel. Ainsi, même si historiquement Guéckédou est une ville accueillante pour les autres groupes ethniques, la période de boom économiques des années 90 a attiré beaucoup d’autres populations à travers une massive exode rurale, mais aussi et surtout l’arrivée d’autres populations d’autres villes et régions.
Les Kissi étant un peuple réputé très ouvert aux autres cultures, l’intégration des nouveaux arrivant était aisée. Cela a permis un brassage culturel facile et rapide. Ainsi, les mariages inter-ethniques se faisaient tous les jours. Tout le monde s’installait sans aucun problème.
Les gens avaient confiance, les affaires étaient rentables, les commerçants investissaient beaucoup dans l’immobilier à cause de l’envolée des prix du loyer (beaucoup d’expatriés n’hésitant pas de payer au prix fort le loyer mensuel pour trouver une belle villa). La confiance était là. Tout le monde voulait investir à Guéckédou (maison, magasin, lieux de loisir etc.).
Il faut noter que la ville de Guéckédou a bénéficié au temps du premier regime (années 80) de plusieurs équipements et édifices publics. Ainsi, les principaux artères (voiries urbaines) étaient impeccablement asphaltés et la ville était maintenue en très bon état de propreté.
Il y avait également un impeccable système d’adduction d’eau potable. Le grand fleuve qui traverse la ville a facilité la construction d’un système d’adduction d’eau potable par une entreprise française de renom. En plus de l’approvisionnement dans les parcelles (maisons et cours), il y avait un réseau de plusieurs centaines de bornes fontaines publiques robustes et de très bonne qualité, bien aménagés dans toute la ville (tous les carrefours et zones de peuplement).
Bref, durant plusieurs années, la ville de Guéckédou a ressemblé à un eldorado (c’était un eldorado pour beaucoup) où les affaires marchaient très bien et la vie était très agréable.
Le lecteur de cet article qui connait Guéckédou d’aujourd’hui se posera sûrement la question suivante : Alors qu’est-ce qui s’est réellement passé entre la période qui est décrite ici et l’état actuel de la ville de Guéckédou ?
Nous allons essayer de répondre à cette question dans l’article à venir, toujours dans la meme série « Les nouvelles de Guéckédou« .